Usage de prélibation

En droit civil, la prélibation est l’action de jouir à l’avance d’un droit, d’un bien.

Dans l’Antiquité, il s’agissait de prélever les prémices  (premiers fruits de la terre, premiers nés d’un troupeau), en libation aux dieux.

En droit féodal, c’était droit de quittage ou de formariage, qui obligeait un serf voulant marier sa fille en dehors du fief de son seigneur à payer audit seigneur trois sous en échange de son autorisation symbolique du mariage.


De ses usages de prélibation dérivent un très grand nombre de coutumes de mariage que nous trouvons dans toutes les campagnes de notre pays.

Dans les provinces de l’Ouest, la mariée, après la cérémonie, dénoue sa ceinture nuptiale et l’offre à son époux qui, en retour, lui donne sa bourse. Cet usage vient du droit de ceinture nuptiale que les seigneurs faisaient payer aux fiancées, leurs vassales.

Dans le Berry, le mari chausse sa femme et lui met dans ses souliers des pièces de monnaie.

Lorsque les vilains de cette province se mariaient, les seigneurs exigeaient d’eux qu’ils cassassent une oulle (pot) et que la mariée se laissât embrasser, les yeux bandés, par tous ceux qui assistaient à la noce à un titre quelconque. De là vient sans doute l’usage de casser les verres et les assiettes, à l’issue du repas nuptial, qui se pratique presque partout en France.

En Berry toujours, on plaçait un roitelet sur un pot de banne ou perche et les nouveaux mariés l’apportaient au seigneur du lieu à un jour choisi de l’année ; l’oiseau était placé sur une voiture traînée par des bœufs, et attaché avec des cordes.

Dans la Lorraine, un serin était substitué au roitelet et porté sur une voiture attelée de chevaux.

Dans la Marche limousine, les serfs, sur le point de convoler, étaient tenus de prendre à la course un roitelet vivant et de l’apporter, le 1er janvier, à la grand’messe, processionnellement, au son des hautbois et des tambours. Si l’oiseau n’était pas pris, ils payaient une amende.

De nos jours, les habitants des départements de l’Est offrent une poule blanche aux jeunes filles réputées vertueuses qui se marient. Dans le Limousin et pays voisins, pareil cadeau est fait aux épousées.

Dans l’Indre, un jeune homme qui va se marier se rend en compagnie de ses amis chez sa fiancée, avec un coq vivant. Dès qu’ils sont arrivés à sa porte, ils déplument le volatile eu énumérant les cadeaux qu’ils désirent lui offrir. Quand l’énumération est terminée, ils entrent chez la jeune fille et mangent le coq.


Pour se racheter de la prélibation, les serfs du Midi de la France dansaient la quintaine ou se livraient à d’autres jeux du même genre. Dans les Basses-Alpes, il n’est pas rare de voir une jeune fille épouser le garçon qui se sera signalé par son adresse, son agilité ou sa force dans des exercices désignés sous le nom de jeux nuptiaux. Cette coutume pourrait plutôt dériver de la tradition antique que d’un hommage féodal.


Pour terminer cette rapide ébauche sur les usages de prélibation et les coutumes de mariage en France, il est utile de dire quelques mots sur les secondes noces ou noces réchauffées, comme on disait autrefois. Quand des veufs ou veuves se remariaient, ils payaient généralement un impôt.

Dans le Périgord, les seigneurs de Huy-Saint-Front avaient établi, à l’usage des veuves qui convolaient plusieurs fois, de singuliers usages dans lesquels le nombre treize est souvent employé.

La veuve qui se remariait pour la seconde fois, devait donner un pot de terre avec treize bâtons faits de divers arbres fruitiers et payer deux sous six deniers à la personne qui, à sa place, était tenue de casser le pot, les yeux bandés, avec un des bâtons. Pour la troisième fois, la veuve offrait un tonneau de cendres treize fois tamisées, et treize cuillers de bois d’arbres à fruits. Pour la quatrième fois, elle devait construire une maison de treize chevrons sur la rivière l’Ille, dans laquelle treize hommes habillés de blanc dansaient. Pour la cinquième fois, elle offrait au seigneur une cuve de fiente de géline blanche.


Mais c’est surtout de charivaris que les veufs ou veuves étaient gratifiés quand ils se remariaient.

En Savoie, le droit de faire du charivari s’appelait le droit de folle-vieille on badoche; il était perçu par l’abbé directeur des moines de la Bazoche.

Dans la Bourgogne, le paiement de ce droit fut rendu obligatoire par arrêts du Parlement de Dijon. En cas de refus, il donnait lieu alors à un tapage infernal qui durait toute la nuit de noces, et où le bruit assourdissant des poêlons et des casseroles se mêlait aux grognements des cornets à bouquin et aux fanfares joyeuses et vibrantes des cors de chasse et des clairons.

Source :
Joannès Plantadis, La Tradition, Décembre 1890, N° 45

Philippe HUET – HGBL – Histoire et Généalogie des Berrichons en Loiret

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